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Le deuxième semestre : académique

Le retour à Coëtquidan suivant la fin du stage en corps de troupe

                  La brume couvrait encore de son blanc manteau la pâle lande de Coëtquidan à peine sortie de l’hiver. Borée balayait les écoles avec force, faisant onduler les sapins et chassant les hommes. Pourtant, en ce matin de mars, nos cœurs s’échauffaient sous nos treillis glacés. Pour la première fois depuis trois mois, le IIIe bataillon de l’Ecole spéciale militaire se rassemblait, chantant la Marseillaise d’une voix forte et claire Un jeune soleil de printemps se levait sur notre promotion. Nous étions enfin rentrés chez nous.

              Après ce souvenir puissant, embryon du second semestre, nous fûmes replongés dans le camp, son quotidien endiablé et sa temporalité circulaire. Ici, les jours semblent infinis mais tous différents. Pourtant, les semaines se suivent et se ressemblent, fondues en un tout indistinct. Le temps n’est plus une ligne, c’est une boucle qui n’en finit pas. Après l’aventure entamée six mois plus tôt, le 26 août, nous sommes sortis de l’enceinte du IIIe bataillon pour aller vers les salles de cours. Ces salles que nous avions quittées, presque avec joie, en sortant de classe préparatoire. Nous y pensions avec un peu de nostalgie, tout en nous réjouissant que tout cela soit terminée, que la page soit tournée. Le retour vers l’académie prit pour beaucoup des airs de retour en prépa, comme si le premier semestre n’avait été qu’une parenthèse. Comme si le temps revenait sur lui-même. Mais cette boucle s’élargit, s’embellit, et devint rapidement une magnifique rosace dans la cathédrale du temps. Sur le chemin de l’académie, la DGER (Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche), nous nous sommes égayés dans tout le camp. Libre de ses mouvements, l’ESM 3 fut partout, même dans les endroits les plus improbables (la cellule habillement de l’académie en a fait l’expérience). Le 3e bataillon prit part à tous les évènements, et quels qu’ils soient, il semble qu’un nouveau bataillon veuille reprendre les flambeaux tendus par ses ainés. Une nouvelle fournée d’élèves vint même marquer de ses crobars les amphithéâtres de la DGER comme les salles de TP, perpétrant les traditions léguées par leurs anciens.

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Des activités récréatives contrebalançant la monotonie de la DGER

            Plus tourné vers la composante universitaire, afin de permettre aux élèves-officiers de renouer avec le bouillonnement intellectuel des classes préparatoires, ce second semestre est souvent l’objet de témoignages désabusés de nos anciens. Ils ne manquent jamais une occasion de nous rappeler le goût du saint-cyrien pour l’action, le combat ou la fête : des activités qui ont cimenté notre premier semestre mais qui semblaient avoir disparu, en mars. Esseulés, encore en pleine découverte de toute la richesse de Coëtquidan, nous avons dû nous prendre en main pour tenter de conserver l’ambiance, la camaraderie et l’esprit du premier semestre. Des évènements parfois anodins, comme le remaniement des chambrées, ont été le terreau fertile à la naissance d’amitiés aussi puissantes que spontanées. Mais certains élèves ont su aller plus loin. Accompagnés par nos anciens, ils ont permis à toute la promotion de s’agréger en un corps soudé, doté d’un esprit joyeux et volontaire. Alors que chacun se démarquait un peu plus, reprenait ses habitudes, ou redonnait à sa personnalité la profondeur que le premier semestre avait lissé, la naissance du bataillon et la conscience que nous en avions tous nous a encore plus uni. Quelque chose de merveilleux est né, en cette fin de mois de mars. Nous sommes repartis affronter le cycle des jours avec une ardeur renouvelée, chacun œuvrant à sa manière pour le collectif. Le quotidien prit un cours insouciant, avec des semaines sans histoires occupées par l’étude et les séances de sport, respirations bienvenues, la vie associative de plus en plus intense et la vie du bataillon. Il grandit comme une plante prometteuse quoiqu’encore inconnue, dans un terreau des plus fertiles. De temps à autres, certains évènements, comme les universités d’été de Coëtquidan, la présence d’un « Grand Témoin », la Saint-Patrick ou le trail de la journée des blessés de l’Armée de Terre. Ils apportaient juste assez de changements pour que la vie nous semble différente d’une semaine à l’autre, tout en sachant que ce n’était au fond qu’une illusion.

                Alors que nous nous étions habitués à notre nouvelle existence universitaire, un évènement renversa le banc d’amphithéâtre sur lequel nous étions assis avec quiétude. Un matin, les nobles traditions de la Spéciale se rappelèrent à nous. En sortant de la compagnie, tous les panneaux étaient retournés, les routes couvertes des graffitis les plus fantaisistes, les insignes étaient à l’envers. Alors une unique pensée nous anima tous : « C’est le demi-tour de la promotion Colonel Le Cocq ! »

                   Il se trouve que ce matin-là avait lieu notre marche-course de 8km avec sacs lestés, pour valider l’aptitude au brevet parachutistes des futurs chuteurs du bataillon. Mais dès que les 8km furent parcourus, c’est l’ESM 3 tout entier qui participa au « demi-tour de France ». A cette occasion, le 3e bataillon s’est particulièrement distingué dans la démonstration exceptionnelle de ses compétences gustatives et sportives. Il a également fait preuve d’une belle résistance et d’un goût certain dans ses dégustations des spiritueux de nos régions. Cependant, nous n’avons pas attendu nos anciens pour raviver cette flamme festive. L’activité du Club Brémond, depuis sa soirée cubaine d’ouverture mémorable, en est le témoignage quotidien.

               Quelques jours plus tard, une partie des élèves du bataillon a traversé la France pour se rendre au Pèlerinage Militaire International de Lourdes. Les militaires de 40 nations étaient présents, toutes les écoles d’officiers de France ainsi que de nombreuses formations s’y sont rendues. Moment de convivialité, de joie, d’unité autour de la foi. La chorale de l’ESM3 s’est produite pour la première fois en public lors de la messe française du PMI, où elle anima la célébration en compagnie de la musique de la Légion Etrangère. Ce fut un moment très beau, très fort, qui vint couronner des semaines de répétitions. La beauté de la cérémonie et les éloges reçus par la suite justifièrent amplement tout le temps que nous avions consacré à préparer cet évènement, plaçant notre chœur sous les auspices les plus favorables.

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Quelques activités militaires tout de même, nous menant jusqu'au Triomphe...

               A peine revenus, nous sommes partis pour notre plus importante sortie sur le terrain du second semestre. Contrairement aux terrains du S1, celui-ci se déroula dans un espace civil ouvert : la campagne bretonne entre Quintin et Saint-Brieuc. Pour beaucoup, ce fut une libération, après des semaines de sédentarité. Mais ce fut aussi une épreuve, par sa densité, l’importance des mises en situations et le scénario que nos cadres nous avaient préparés. Partant du Bois du Loup, nous nous sommes aventurés dans un espace de plus en plus inconnu, enchaînant des missions de plus en plus exigeantes. Cette semaine d’entraînement se termina par un exercice de trois jours impliquant tout le bataillon, dans un wargame où quatre sections en affrontaient deux, afin de les chasser de l’espace qu’elles occupaient. Sous le commandement de leurs camarades, certains se sont emparées de positions ennemies, jour après jour, dans des actions coordonnées, tandis que d’autres défendaient un terrain qu’ils tenteraient de reprendre pendant la nuit. Cet exercice se termina par l’attaque d’un village au petit matin, alors que les deux sections défendant livraient un dernier baroud d’honneur contre les sections attaquantes. Le 23 mai à midi, lorsque l’exercice prit fin, nous étions tous épuisés mais heureux de l’ampleur et du réalisme d’un tel entraînement.

                    Le retour à l’académie, le lendemain, fut un peu rude. Cependant, nous nous sommes remis au travail, sur tous les fronts. La promotion se développa de plus en plus, les traditions se transmirent, la vie associative grandit, portée par les projets parfois fous des élèves-officiers. Les partiels de fin de semestre approchant à grand pas, même les plus oisifs se surprirent à ouvrir un livre, ou à regarder un podcast du « dessous des cartes » sur la Chine. Il faut rendre à nos professeurs cet hommage, nous n’avons pas toujours été des élèves faciles à supporter, mais ils se sont investis dans leur enseignement et nous ont donné toutes les clés pour réussir ce semestre. Seulement certains ne les ont jamais saisies…

                Après les partiels, tout s’enchaîne très vite, dans la chaleur presque étouffante du début de juillet. Le bataillon va en Normandie, sur les traces de la plus grande opération aéronavale de l’histoire, où il rencontrera les élèves-officiers britanniques et allemands. Puis, revenus au camp, c’est dans la chaleur de l’été, à l’ombre des grands pins espérant un souffle d’air, que nous participerons à la préparation du plus grand évènement de l’année saint-cyrienne. Ce 22 juillet, une promotion quittera l’Ecole spéciale militaire, auréolée de la gloire amassée après trois années à l’académie. Son nom restera à jamais dans les annales de l’école, souvenir vivant pour tous les saint-cyriens. Au moment de ce départ, une nouvelle promotion apparaîtra devant toute l’académie. Sortant des cendres encore chaudes de son aïeule, elle embrasera la Spéciale, reprenant la flamme séculaire de Saint-Cyr. Et bientôt, elle associera son nom à cette épopée, écrivant sa part de la légende.

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